GEORGIA O’KEEFFE // Centre Pompidou

Difficile de ne pas évoquer le travail d’un(e) artiste sans faire référence à sa personnalité et à son parcours de vie.

La peinture est entrée dans la vie de Georgia O’Keeffe comme une évidence dès la préadolescence. Baignée dans les horizons infinis du Wisconsin, l’enfant d’abord, puis, la jeune fille s’attache à la nature qui l’entoure, une nature qui viendra très certainement nourrir sa soif d’indépendance et de liberté.

Devenue un véritable symbole de féminisme aujourd’hui, Georgia O’Keeffe après des études à l’Art Institute de Chicago explore l’impressionnisme et après un premier prix et décide de s’installer au Texas. Elle devient institutrice dans une école élémentaire d’Amarillo. Jusque là le parcours semble classique pour une femme artiste de cette époque et l’histoire aurait pu s’arrêter là. Mais la vie avait doté cette jeune artiste d’une ambition et d’un certain goût du risque. New-York la faisait rêver et l’actualité des galeries d’Art Moderne présente dans ses lectures quotidiennes lui aura permis d’oser se lancer et de jeter son dévolu sur la galerie d’Alfred Stieglitz, située au coeur de Manhattan. Ne pouvant délaisser son poste d’institutrice du jour au lendemain sans aucune garantie, c’est une de ses amies qui est missionnée pour présenter ses dessins à Alfred Stieglitz, galeriste, photographe et surtout déjà véritable superstar de l’esthétique moderne. Nous sommes en 1917, les femmes artistes ont leur place dans les écoles et non sur le devant de la scène artistique. La galerie présente des oeuvres de Paul Cézanne ou encore Pablo Picasso. Le pari est risqué.

Evening Star No. III, 1917 by Georgia O’Keeffe

Mais la magie opère tout de suite. Le galeriste tombe sous le charme du travail de Georgia O’Keeffe, il y décèle une interprétation nouvelle du monde et surtout une vision de la beauté novatrice et décalée. La rencontre entre Alfred Stieglitz et Georgia O’Keeffe tournera quelques années plus tard au véritable coup de foudre. Elle a seulement 23 ans, il est marié et a le double de son âge mais peu importe, il la désire à ses côtés et l’épousera six ans plus tard.

L’artiste devient rapidement la muse du photographe dont elle s’est éprise mais aussi l’artiste phare de la galerie 291. Elle posera nue et sans retenue devant son époux à plusieurs reprises. Véritable icône féministe, membre du Women’s National Party, elle ne lâchera jamais les rennes de sa carrière et l’essence même de sa personnalité. La même qui vient nourrir ses peintures et dont les expositions cartonnent à New-York, son talent résonnera bientôt à travers toute l’Amérique. Attention ! Georgia O’Keeffe refusera à plusieurs reprises ce statut de féministe et rejettera systématiquement toutes étiquettes que la société souhaitera lui attribuer. Tout comme elle se consacrera uniquement aux Etats-Unis tournant le dos aux appels lancés depuis l’Europe.

Georgia O’Keeffe photographiée par Alfred Stieglitz en 1921

Le travail de l’artiste regorge de couleurs, les formes naviguent entre une générosité abstraite et une précision à couper le souffle, proche de la photographie. La nature est partout. Des fleurs qui l’ont rendues si célèbre pour l’interprétation érotique qui en a été faite par de nombreux critiques d’art et pour cette vision si immersive et féminine de ces beautés botaniques. Mais aussi quand elle ira se réfugier, loin du tumulte de Manhattan, au fin fond du desert du Nouveau Mexique. Elle trouvera dans ce paysage désertique une autre nature, une sécheresse et une forme de sobriété et de retenue. Entre ces deux époques, Georgia O’Keeffe se tournera vers une peinture réaliste et radicale de l’urbanisme new-yorkais, avec l’envie de casser son image trop féminine et trop érotique, qu’elle ne souhaitait pas particulièrement déclencher. L’artiste est inébranlable et fera en sorte, tout au long de sa carrière, de ne jamais être enfermée dans un style particulier. Mais de suivre simplement ses envies, ses sentiments et son instinct.

New-York street with moon, 1925, par Georgia O’Keeffe
White Iris, 1930 par Georgia O’Keeffe
Oriental Poppies, 1927 par Georgia O’Keeffe

Tout au long de sa vie, le Ghost Ranch, sa maison du Nouveau Mexique saura être un véritable havre de paix pour l’artiste. Un paysage hostile que Georgia O’Keeffe saura apprivoiser et décrypter à sa manière. Comme elle aura réussi à conquérir l’Amérique texane et l’univers du Western au début de sa carrière. Une peinture franche et brute à l’image de sa personnalité.

Georgia O’Keeffe à Abiquiu, New Mexico. 1948
Pelvis with the distance, 1943 par Georgia O’Keeffe

Dans les décennies 1950 et 1960, l’esprit de Georgia O’Keeffe semble s’apaiser et prendre du recul. Les lignes deviennent épurées, ses peintures se simplifient. Une rivière devient un simple trait sur la toile au milieu d’un jeu d’ombre et de lumière si caractéristique du travail de cette artiste moderniste.

Pink & Green, 1960 par Georgia O’Keeffe

Jusqu’à la fin de sa vie, en 1986, Georgia O’Keeffe continuera de peindre. Sa vue s’affaiblissant elle se tournera vers le fusain et prendra un assistant jusqu’à s’éteindre, à l’âge de 98 ans, dans sa maison d’Abiquiu du Nouveau Mexique. Elle était devenue et restera LA pionnière de l’Art Moderne aux États-Unis.

L’exposition Georgia O’Keeffe au Centre Pompidou à Paris est à voir jusqu’au 6 décembre 2021.

Sonya pour The Other Sight.