EVY JOKHOVA

  • Peux-tu te présenter en quelques mots s’il te plaît ?

Je suis Evy Jokhova. Je suis à moitié russe et à moitié estonienne mais j’ai grandi en Suisse avant de déménager à Vienne en Autriche. J’ai fait toutes mes études supérieures à Londres en commençant par la centrale Saint Martins School. Je suis restée basée 15 ans à Londres avant de choisir Lisbonne. L’architecture, la communication et la sociologie sont aussi des éléments essentiels de mon travail.

  • Depuis combien de temps es-tu installée à Lisbonne et pourquoi cette ville ? 

Je vis à Lisbonne depuis 8 mois maintenant. J’ai toujours eu des amis portugais dans mon entourage et avant ça j’avais pour habitude de faire beaucoup de résidences en Europe, à Vienne, à Amsterdam ou encore aussi en Italy. Les résidences restent le meilleur moyen pour un artiste d’explorer les différentes facettes de sa pratique à l’étranger, le moyen le plus sûre aussi.

J’ai commencé par une résidence à Lisbonne puis j’ai été charmée par la ville et tout ce qu’elle a à offrir. J’ai trouvé facilement un atelier suite à ma résidence. Beaucoup de choses se passent dans cette ville. J’étais supposée partir en résidence à Istanbul mais le contexte politique étant mouvementé, j’ai dû aussi revoir mes plans.

  • Tu exposes actuellement à la galerie FOCO à Lisbonne. En tant qu’artiste multidisciplinaire, quel est ton secret pour réussir à relier l’anthropologie social, l’architecture, la philosophie et l’art autour d’une thématique unique ? 

Cela a pris des années. Le chemin a été long. J’ai commencé par la peinture et les fresques. Puis trouvant mon travail trop esthétique, j’ai décidé de m’impliquer plus et d’y inclure des pensées plus profondes. Tout a commencé comme ça. Jour après jour, j’ai complété mes connaissances. J’ai toujours été attiré par la sculpture environnementale et la photographie aussi. J’ai lu beaucoup de livres sur les enjeux de la société passée et moderne et cela à soulevé beaucoup de questions en moi. Ayant énormément voyagé durant ma vie, les mouvements migratoires sont un phénomène sur lequel j’ai aussi rapidement voulu porter mon regard. Se demander aussi comment une personne aveugle pouvait évoluer dans un espace, comment se mouvait son corps pour trouver ses marques ? Tout autant de questions qui ont toujours été la base de mon travail quelque part, et des éléments déclencheurs.

Par exemple, j’ai mis environ 7 mois à préparer mon solo show pour la galerie FOCO . Chaque objet original a sa propre histoire. J’ai choisi des objets déjà existants dans mon quotidien avant d’en faire la réplique dans différents matériaux : la céramique, le textile, les matières brutes. Il m’est arrivé d’utiliser simplement l’édition originale de l’objet. Les feuilles de papiers encadrées que vous pouvez retrouver au sein de l’exposition Within these lines I operate  était utilisées comme supports d’impression pour les rapports du laboratoire chimique dans lequel elle travaillait. Le toast brûlé est un cadeau accidentel laissé un ami quand il m’a offert son grille-pain, ce dernier était encore dedans en parfait état ! Un élément venant directement d’une cuisine, c’était un signe pour moi dans cette recherche.

  • Au sein de Within these lines I operate, tu immerges le visiteur dans une maison depuis la cuisine jusqu’au salon, toujours avec une délicate touche d’humour et beaucoup d’esthétique.  On y perçoit également la rigidité dictée par les lignes, ici, les règles. Nous avons peut-être tords mais tes racines russes mixées à une influence sensiblement japonaise semble être également présentes… Où as-tu trouvé ton inspiration ? 

J’ai beaucoup déménagé au cours de ma vie. La structure d’une maison, d’un foyer, change beaucoup d’un pays à l’autre. Au Royaume-Uni, la cuisine est la plupart du temps caché, là ou en Italie, elle est au coeur de la maison. Chaque pièce de la maison a son propre rôle à jouer et la culture locale influe également sur cela.   Je n’ai pas choisi le cadre d’un bureau par exemple, trop générique à mes yeux et neutre en comparaison à un home sweet home. Quand vous naissez la première architecture de référence à laquelle vous êtes exposé c’est votre maison.

Concernant l’inspiration japonaise, vous avez entièrement raison ! Ma mère a toujours été obsédée par le Japon. J’ai été éduquée dans une vision minimaliste et une de mes amies très proches de Londres est japonaise, j’y ai donc voyagé avec elle. J’ai très vite constaté que les maisons sont constamment divisées en plusieurs pièces par des panneaux de bois coulissants là où en Russie toutes les pièces communiquent entre elles avec fluidité et mouvement.

Le minimalisme est une chose que vous retrouvez toujours dans la culture scandinave et donc aussi bien sûr en Estonie, très proche voisine des pays nordiques. Alors, il faut croire que tout fait sens ici.

  • La danseuse américaine Patricia Keheler a fait une performance dans le cadre du Lisbon Art Weekend. Peux-tu nous en dire plus sur cette collaboration ? 

Oui, bien sûr. J’adore connecter mes oeuvres à l’architecture et au mouvement. Et quoi de mieux qu’une danseuse pour exprimer mon travail en lui donnant aussi une nouvelle approche ?

J’ai rencontré Patricia Keleher par Ben ( Benjamin Gonthier) de la FOCO, c’est une danseuse professionnelle venant de San Francisco. Désormais basée à Lisbonne, Patricia Keleher cherchait à étendre son travail à d’autres formes d’art contemporain et à de nouveaux challenges. Féminine, sensuelle et très expressive même au sein de son visage, elle était parfaite pour cette performance. Elle a trouvé tout de suite le moyen d’interagir avec chaque oeuvre. Le tapis Waldblume est devenu le terrain de jeu pour un picnic sur l’herbe, le zèbre Felix un jouet dans une chambre d’enfant.

  • Nous sommes constamment entourés par les nouvelles technologies, l’humain est de plus en plus remplacé par la machine. Et avec l’ampleur des réseaux sociaux, les interactions entre les gens ont changé, évolué. Que penses-tu de ce phénomène ? Comment le vis-tu ? 

Je travaille toujours de façon très manuelle.  Je n’utilise pas de logiciels même pour placer mes oeuvres dans l’espace alors que cela pourrait me faciliter la tâche. Je préfère toujours dessiner au crayon à papier la silhouette de l’objet sur le mur pour checker ses dimensions et ses différentes perspectives. Vous pouvez d’ailleurs le voir sur le mur à côté de la chaise que vous venez de photographier ( référence à l’article portant sur l’exposition sur le webzine).

J’essaie de rester le plus loin de mon téléphone, évitant au maximum les notifications des diverses applications, mais cela est de plus en plus compliqué. Et évidemment, je pense que nous avons besoin de nous déconnecter parfois de tout ça et de rencontrer les gens pour de vrai.

  • Quel est voter futur projet ?

Je vais participer à la Riga Photography Biennial. je vais exposer mon travail à côté de deux autres artistes au Musée national de la Photographie.

Pour la première fois, je vais vraiment confronter la sculpture à la photographie en essayant de connecter l’objet à l’image. J’ai la plupart du temps surtout travailler avec mes oeuvre en vidéo dans un cadre bien spécifique. Je presque jamais, cela vient sûrement de mes origines artistiques liées à la peinture et au dessin. Cela va être donc un nouveau challenge et une nouvelle manière d’approcher mon travail aussi.

T/O/S.

 

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